A lire : La désintégration du Système, Giorgio Freda, Partie II
LA PHYSIONOMIE DE L'ETAT AUTHENTIQUE
"Un jour,les ouvriers vivront comme des bourgeois,mais au dessus d'eux,plus pauvre et plus simple, la caste supérieure. Elle possédera la puissance."
Il y a encore, malgré tout, celui qui ne se laisse pas posséder par les séductions de l'économie et reste ferme dans sa conviction que la tâche principale de l'Etat n'est pas de garantir l'acquisition ou la conservation du frigo,de la machine à laver ou de plus grands loisirs hebdomadaires.
Il y a celui qui est convaincu de cela, parce qu'il croit que le but de l'homme n'est pas celui de se maintenir en végétant, satisfait, dans les meilleurs conditions physiques d'existence, mais qu'il y a autre chose, que c'est même cet autre chose qui donne une signification et un style à l'existence, et que justement en vertu de cette autre manière de vivre, il vaut la peine de se déprolétariser et de se débourgeoiser, en détruisant l'ensemble du conditionnement déterminé par l'existence de besoins physiques à la partie et aux régions moins importantes de l'être humain.
C'est à cette race d'hommes vraiment libres - à ces ascètes,dans la signification classique de l'expression, de la politique - que nous proposons le dialogue autour de l'Etat authentique et de la fonction de l'homme juste et libre dans l'Etat : avec le but non pas de présenter un ensemble vague et sentimental, mais d'orienter vers l'intuition subtile du mythe - voir du mystère - de l'Etat.
Nous ne rechercherons pas l'Etat en nous basant sur une étude empirique développée parmi les phénomènes d'Etats existants de nos jours; nous essayerons de cueillir l'Etat non pas comme phénomène historique - l'Etat hic et nunc - dans une vision "phénoménologique", mais nous essayerons de le comprendre dans l'absolu : comme valeur,c'est-à-dire comme réalité qui vaut "pro aeternitate". Une réalité prise pour elle-même,qui n'a pas besoin de manifestation,de support historique (l'Etat existant) pour être valable.
En d'autres termes,nous voulons comprendre l'essence de l'Etat, en dépassant les étapes du phénomène historique des Etats ; mais à la lumière de cette essence et de l'idée d'Etat qu'elle explique nous voulons pouvoir dire si ces phénomènes (les Etats historiques) sont des applications correspondant ou non à ce canon.
Les considérations qui vont suivre ne sont pas l'expression de notre idéologie personnelle(en admettant que nous en ayons une),nous sommes convaincus de la rigoureuse vérité qu' "une idée ne peut être nouvelle, puisque la vérité n'est pas un produit de l'esprit humain,elle existe indépendamment de nous et nous avons seulement le droit de la connaître".
En reprenant ce que nous avons dit plus haut, nous dirons que notre mythe de l'Etat ne vaut que comme utopie, lorsque par utopie on entend, en effet, ce qui ne peut se réaliser et exister parce que cela est le fruit d'une conception cérébrale et intellectualiste.
Le mythe de l'Etat est le mythe d'un ordre politique qui sans se plonger dans un temps ou espace particulier se trouve être éternellement, et proposé éternellement, comme vérité [Il prend la même signification que l'on retrouve dans les enseignements de la politeia platonicienne : "Il existe fixé dans les cieux un modèle pour qui veut l'observer, et en l'observant, s'y soumettre. Qu'il existe, cependant, en quelque lieu ou qu'il soit destiné à ne jamais exister, peu importe: parce que c'est le seul Etat en politique dont il peut se considérer comme en faisant partie."].
Les principes de l'Etat authentique se rapportant au domaine du "devoir être" assument un caractère éminent de normes, et comme telles elles ne sont pas vérifiées par la reconnaissance ou jugées par le refus décidé par ceux qui vivent dans le monde historique. Ces principes nous reportent à un niveau métapolitique et métahistorique, qui est par conséquent autonome des formes d'existence politique empirique : ce sont par contre ces formes, qui pour ne pas devenir abstraites mais pour rester "formes" de quelque chose de réel, doivent exister en fonction de tels principes.
La signification de l'Etat vrai dépend de la tension animatrice qu'elle inspire dans le microcosme individuel alors qu'elle représente un réel centre de puissance et non pas une superstructure inerte. L'Etat authentique ne se propose pas comme vrai but la richesse économique et le bien-être de tous les citoyens ou d'un seul groupe social, mais celui que les anciens Grecs définissaient avec lucidité en terme de "felicitas" – eudemonia - d'harmonie des divers composants du corps de l'Etat. "FELICITAS" dans sa signification de totalité, d'intensité, d'intégration, de participation aux éléments sur-humains et divins de la réalité.
Dans l'Etat authentique doit être garantie l'unité organique du corps social, unité qui ne doit absolument pas être entendue comme intrusion de l'Etat dans un prétendu domaine d'intérêts privés du citoyen, mais comme constitution d'un climat de tension idéale, dans lequel chacun se trouve et reste à sa propre place, en développant avec cohérence, fidélité et liberté, ses propres inclinations. Il n'est donc pas admissible, en cet Etat, que l'on commette des prévarications et des actes arbitraires et porte dommage au bien d'autrui : il doit subsister une volonté lucide et consciente pour suivre une existence conforme à sa propre nature.
Sans doute, lorsqu'on attribue à l'Etat (ou mieux, lorsqu'on reconnaît à l'Etat) la fonction de créer le climat qui seul permette de rendre possible le régime de vie organisée, on ne veut pas considérer l'Etat comme le véhicule d'une activité génératrice de "vertus", dans le sens moderne et moraliste du terme, comme pur élément en fonction de l'âme de l'homme. L'Etat authentique doit, par contre, se comprendre comme une réalité au contact de laquelle tout ce que l'on propose, d'une manière conditionnée, comme morale individuelle, s'objectivise, se décante en termes d'éthique diluée par ces caractères de "vertu" qu'actuellement on attribue à la morale.
L'Etat authentique n'est pas le fruit d'une idéologie ou d'une conception politique individuelle, mais c'est la responsable mise en chantier en termes de régime politique d'un principe impersonnel, d'une norme que nous pourrions définir "à priori" à la tête, comme cela a été justement retenu, de ce "droit naturel des masses héroïques", chez qui la signification de "nature" ne s'arrête pas à l'élément physique, fonctionnel, mais qui acquiert une valeur de normalisation, symbole de chaque condition "normale" et intégrée d'existence. Canon qui représente "l'habit intérieur", la forme absolue d'un style de vie accompli dans la fidélité à ce que l'on est réellement.
L'Etat authentique ne constitue pas une structure ennuyeuse de droit positif, mais est essence et fonction supérieure : l'esprit de l'Etat, le centre de l'Etat est représenté par une puissance qui transcende le plan de ce qui est immédiatement terre à terre et simplement humain.
L'Etat authentique n'a de valeur que comme principe ordinateur d'une reconquête que l'homme se doit d'opérer : la reconquête du supermonde, le rétablissement de sa dimension héroïque. C'est pourquoi l'Etat authentique représente l'élément nécessaire de médiation qui doit provoquer la réintégration du citoyen dans la réalité divine : c'est seulement par lui que le citoyen réalise le dépassement de sa propre existence individuelle en s'ouvrant à une réalité, qui le dépasse parce que autonome de sa personne.
Que l'on ne vienne pas dire qu'une telle image du régime politique développée d'une manière cohérente et pour des fins précises puisse être accusée d'usurper des qualités et des dimensions "religieuses" en obligeant l'homme - qui sent une telle tension vers la divin - à dévier de sa direction propre - qui serait, selon l'accusation, religieuse – pour l'orienter vers la laïque, reconnue par l'Etat (cet Etat par conséquent,constituerait un succédané de fonctions qui, légitimement, ne lui appartiendraient pas).
La réponse à cette accusation se dégage de façon claire des termes ambiguës dans laquelle elle est formulée : en effet, elle nous renvoit à une fracture presque ontologique - que nous devons fermement refuser - entre le soi-disant domaine laïque de l'Etat et le plan abstrait du "spirituel" rendu autonome du premier ; une fracture pour laquelle les valeurs divines, intrinsèques à la condition humaine deviendraient de simples éléments humains, dissouts par cette puissance divine, deviendraient seulement profanes et laïques.
Aucun hiatus, à notre avis, ne doit exister entre l'ordre des valeurs et le plan de l'Etat authentique [Une vision opposée, en effet, s'accorde parfaitement à cette conception que l'infection judéo-chrétienne a réussi à imposer depuis deux mille ans.], car si-l'on sépare l'un de l'autre, on détruit une réalité organiquement unitaire ; on arrive seulement à un résultat décomposé d'intériorisation humaine des valeurs ; et l'on soustrait à l'ordre public ces caractères qui seuls peuvent le qualifier et le rendre légitime.
Dans l'Etat authentique, on ne peut objectivement placer l'individu en priorité par rapport à l'Etat ou considérer, à l'opposé, la priorité de celui-ci sur celui-là, parce que la réalité de l'Etat authentique n'est pas séparée de la réalité de l'individu par aucune différence de structure (plus que de deux réalités on devrait parler de deux coefficients d'une réalité unique, de deux aspects d'un même phénomène, sans solution de continuité substancielle). Il ne subsiste entre elles qu'une différence fonctionnelle de possibilités, d'intensités, de moment où l'Etat représente le centre de tension nécessaire pour que le citoyen devienne "heureux".
D'autre part, dans l'Etat authentique, il n'y a plus d'"individus", mais des hommes-membres de l'Etat ; des hommes animés par une éthique de vie au-dessus de leur personne, des êtres différenciés, à chacun desquels il est destiné un rang divers, une responsabilité différents, un devoir divers, un degré divers de liberté selon des articulations organiques. Ces hommes sont engagés comme objet de l'oeuvre de l'Etat et leur perfection est le but auquel est destiné l'ordre de l'Etat. Seulement cette position peut qualifier l'existence de l'homme dans l'Etat seulement cette position peut de même constituer la légitimation de l'Etat, qui doit cultiver, susciter, supporter les dispositions de ceux qui y sont insérés.
Donc, c'est seulement dans l'Etat authentique que les hommes participent au destin de l'Etat et à sa puissance, qui est une force surhumaine. Ils subissent sa signification, qui est sur-naturelle ; ils se nourrissent de sa réalité,qui est une réalité supérieure. C'est l'Etat authentique, répétons-nous, qui détermine la direction à suivre et "ordonne" les moments au travers desquels l'homme atteint le but vrai, qui consiste dans sa participation au divin.
De plus,c'est l'Etat authentique, qui propose à chaque homme la reconnaissance de sa propre irréductible fonction, du lieu propre, de la propre nature, de sa place dans les rapports justes de supériorité et d'infériorité ; en un mot, la reconnaissance de sa propre liberté ; cette dernière n'est pas la liberté négative qui se manifeste extérieurement, la liberté tournée vers l'utile et le "particulier" ; c'est-à-dire la seule liberté que l'on puisse actuellement concevoir et qui, en se résolvant en termes non différenciés et égalitaires, se manifeste dans des directions de rébellion ; mais c'est une liberté qualitative et différenciée, typique de la personne dont une telle valeur est inhérente ; liberté qui ne dérive pas, comme il a été dit, du fait abstrait et élémentaire d'Être simplement un homme, mais qui est mesurée de la structure, de la dignité de chacun ; c'est un pouvoir de réaliser les propres possibilités et d'adhérer à la propre particulière perfection entre les cadres politiques de l'Etat. Liberté, enfin, signifie discipline intérieure et respect du propre plan hiérarchique du point de vue qualitatif.
Après ces indications, nous voudrions conclure, et pour conclure affirmer à nouveau que l'idée d'Etat, ce procès qui tend à pénétrer les mystères de l'Etat, ne peut se développer dans des voies simplement logiques : elles trouvent vie et mort seulement dans le cerveau humain, mais au travers de la froide référence à des valeurs métaphysiques inhérentes à l'essence de l'idée d'Etat, au noyau de cette référence qui n'appartient pas au domaine des choses sujettes aux liens du devenir.
Affirmer encore que la réalité de ce qui est sacré et divin et la sacralité de ce qui est structure politique réelle, doivent constituer le support de l'Etat authentique : puisque si un Etat, si un régime politique n'est pas rendu légitime par le fait de posséder une force spirituelle, de proposer des finalités spirituelles, il ne pourra représenter rien d'organique et de central : ce ne sera qu'une structure inerte, matérialiste et sociale, résultant de la rigidité propre à tous les organismes sans aucune force vitale.
NECESSITE D'UNE METHODOLOGIE OPERATIVE
"La classe n'est qu'une catégorie bourgeoise : dans la tentative de faire concevoir en fonction de classe les instances révolutionnaires ouvrières, on sert un expédient dont le bourgeois s'est servi pour chercher à reporter dans son monde et dans le cadre de la société les exposants d'une humanité nouvelle, dans un régime de transitions, de compromis et de marchandages."
Maintenant, après avoir tracé - en reprenant dans ses lignes principales - la physionomie de l'Etat authentique nous devons considérer quelle oeuvre politique s'impose à nous pour témoigner attentivement de notre adhésion à l'image de l'Etat authentique. Il n'est pas possible d'accepter, même pas partiellement, l'hypothèse suivante ; l'hypothèse de celui, qui en cultivant, seulement d'une manière rationnelle, cette image ("le modèle fixé dans les cieux" dirait Platon), soutient la nécessité de rester en dehors, à regarder l'usure des formes associatives (qui pourraient, d'une manière plus efficace, être appelées "formules") avec lesquelles s'exprime l'actuelle réalité politique. Pour celle-ci, en effet, le mythe de l'Etat devient utopie - rêve d'intellectuel - : pour celle-ci, le détachement représenta vraiment l'alibi destiné à camoufler l'incertitude, l'incapacité et la peur.
Pour les apologistes stériles du "discours" sur l'Etat, chaque recherche en termes politiques correspond presque à se placer à un plan inférieur, à une descente vers le compromis! Ils n'ont pas d'idée sur l'Etat, mais tout au plus un concept de l'Etat, bien caché dans les circonvolutions crâniennes. Donc, nous ne devons pas prendre en considération ces adorateurs d'abstraction et de la logique de l'inévitable, ces défenseurs des témoignages conceptuels !
Pour nous, être fidèles à notre vision du monde - et, par là, de l'Etat - signifie se conformer à celle-ci, et ne rien laisser de non-entrepris afin de la réaliser historiquement : et non pas manifester de la dévotion idéologique et se contenter de cette cohérence mentale.
Et alors, en développant cette prémisse, nous devons affirmer que la condition - non pas suffisante mais nécessaire - pour placer les éléments de la fondation de l'Etat authentique, c'est la subversion, envers tout ce qui existe aujourd'hui comme système politique.
Il est nécessaire d'exaspérer, de rendre propice, d'accélérer les temps de cette destruction, d'intensifier le phénomène de rupture de l'équilibre présent et de l'actuelle phase dans la recherche de l'équilibre politique ; rester vigilants afin que les forces naissantes qui doivent déterminer l'usure et la rupture des centres nerveux de cette civilisation bourgeoise ne soient absorbées ou intégrées par l'une de; nombreuses possibilités de cristallisation qu'offre le régime bourgeois.
Par conséquent, nous devons inévitablement transférer nos considérations du plan de reconnaissance des principes au plan opérationnel ; du plan de ce qui est viable au plan de ce qui est efficace, de manière à porter la réalité misérable (qu'opportunément nous devrions appeler "irréalité") de la période historique, que nous sommes en train de vivre en "réalité" authentique.
La marche à suivre (et nous le répétons encore) doit être la suivante : force rigide dans l'essentiel et la plus grande élasticité sur le plan de la fonction.
Nous avons indiqué plus haut ce qui selon nous doit être considéré comme essentiel. Nous avons déjà pris en considération la nécessité de découvrir un plan, pour s'en tenir fortement à lui, et un style que nous devons cultiver. Nous avons déjà soutenu le principe selon lequel notre action politique doit se développer dans 1'ensemble et s'articuler pour rechercher des hommes aux tendances, aux vocations, au caractère proches des nôtres : les personnes qui ont la même idée de l'Etat.
A cet alignement d'hommes – que nous ne pouvons créer mais que nous devons seulement réunir et encourager - qui ont choisi la lutte dans le monde des démocraties bourgeoises, à ces personnes qui refusent, comme étrangère à leur propre style, une équivoque fonction de "dévotion" intellectuelle, nous devons proposer un objectif de lutte clair : la destruction du monde bourgeois. Nous devons les convaincre que le mal représenté par la société bourgeoise est inguérissable : qu'aucune thérapie n'est applicable, que même pas une opération chirurgicale peut être efficace, qu'il faut faire accélérer l'hémorragie et enterrer la cadavre.
Nous devons les persuader de l'impossibilité d'édifier quoi que ce soit même s'il ne reste que des décombres ; la condition fondamentale pour l'édification de l'Etat authentiqua ne peut être que la pure démolition de tout ce qu'il reste de formes et de structures des régimes bourgeois.
Il y aura certainement les peureux, les ingénus et les incapables, ceux qui voudront se prémunir de garanties sur l'après-capitalisme bourgeois, sur le contrôle dos réactions successives à la disparition des régimes bourgeois.
Ceux qui par crainte du saut dans l'inconnu (et sa croyant évidemment en possession de la vraie lumière) croient possible l'usage de la colle pour réunir ensemble les divers morceaux et faire encore durer, d'une manière ou d'une autre, avec l'aide de correctifs superficiels.
A ces deniers mots nous devons répondre qu'il n'est pas opportun pour le moment de commencer un discours sur l'"après-régime bourgeois". Ce discours s'amorce réellement lorsqu'il est possible de prévoir une "méthode rigoureuse pour l'après" sans se laisser séduire par des solutions messianiques.
Le discours sur la méthode du l'"après" doit être développé seulement sur des références aux situations concrètes, qui se feront jour, c'est-à-dire sur des hypothèses historiques. Seulement celui qui est persuadé - et il s'agit de conviction viscérale ! - que la destruction de la société bourgeoise implique nécessairement la fondation de l'Etat (ou bien de formes d'association différentes de lui) prolétaire, peut mériter la reconnaissance due aux idiots et aux superficiels.
Celui-ci, sans en avoir conscience, véhicule les forces qui prétendent aujourd'hui perpétuer l'équilibre bourgeois ; sans vouloir justement comprendre, que l'équilibre hégémonique bourgeois ne compte que deux siècles de vie et que de clairs symptômes sont en train de démonter qu'il est entré dans une phase crépusculaire, en train de perdre son efficacité de durée.
De toute façon, ce n'est pas vers ses semblables, mais vers d'autres compagnons de route que nous tournons notre regard ; vers ceux qui ont parfaitement compris que la bourgeoisie et le prolétariat sont l'une et l'autre les résultantes - ou mieux : les scories - de l'unique procès dérivant de la décomposition de l'Etat organique ; que l'une et l'autre représentent les faces d'une même médaille ; que l'une et l'autre constituent des réalités interdépendantes. Ils ont tiré les conséquences qu'un prolétariat et une bourgeoisie sont des termes indispensables l'un par rapport à l'autre, d'un jeu dans lequel est compris l'équilibre de cette société ; qu'aucun des deux termes ne pourra survivre dissocié de l'autre ; que la "Question sociale" est née lorsque la bourgeoisie - devenue classe au sens propre du terme - a constitué sa propre dictature ; que le monde antique et les organisations étatiques nées à cette époque ont connu le riche et le pauvre : à ce dernier, par contre, on continuait à lui reconnaître une dignité humaine, alors que la société et les temps modernes connaissent exclusivement des exploiteurs et des exploités : mais aux deux l'on impose l'esclavage de 1'argent.
Il est ennuyeux de se répéter, mais si la répétition peut convenir à une plus grande clarté, répétons-nous : bourgeoisie et prolétariat sont des éléments qui s'intègrent l'un dans l'autre : la première fait appel à l'autre; seulement une différence d'ordre quantitatif sépare l'une de l'autre.
Et nous, si d'un côté nous refusons de distiller les sueurs de ceux qui travaillent pour les sublimer ensuite et en faire des vapeurs d'encens, nous ne voulons pas plus soutenir et exalter les glandes qui secrètent ces sueurs.
Les solutions que nous retenons devoir proposer pour l'adoption d'une méthode seront indiquées dans la partie suivante de notre énoncé : individualiser les éléments; de 1'organisa t ion de l'Etat, c'est-à-dire à considérer la réalité de l'Etat dans l'un de ses moments : celui de la réglementation des rapports élémentaires de vie entre les citoyens.
Parmi les orientations qui suivent et les indications précédentes, qui représentent ce que nous avons défini comme la réalité de l'Etat authentique, il reste une cohérence organique, même si le fait peut sembler paradoxal : celui de vouloir adopter une structure - pour ainsi dire - communiste et de soutenir la validité de l'Etat organique; et de l'ordre hiérarchique.
Il est profondément vrai, par contre, que la hiérarchie ne correspond absolument pas à l'oligarchie ; qu'Etat organique ne signifie pas liberté pour les bourgeois et exploitation pour les prolétaires ; que pour ceux qui ont bien compris, l'ordre n'est, pas déterminé par l'équilibre du système de consommation qu'offre le pouvoir bourgeois. Il est surtout vrai que les derniers deux cents ans de dictature bourgeoise ont fait comprendre comment le désir de richesse matérielle, l'impulsion à l'hégémonie fondés sur la richesse des biens, ont été des facteurs déterminants d'aberrations insupportables, de situations d'aliénation, de diminutions avilissantes subies par les hommes de ces derniers temps.
Nous avons déclaré précédemment que nous voulons proposer des orientations qui puissent définir les structures de l'Etat à l'un de ses moments ou de ses buts : celui qui tend à harmoniser les rapports économiques entre les citoyens et ordonner la sphère de leur "socialité" (rapports juridiques, éducatifs, etc...).
D'autre part, le fait que nous voulons prendre en considération un objectif qui n'est certainement pas parmi les plus importants, parmi ceux qui sont propres à l'Etat, mais qui se justifie seulement en. termes de "strumentalisation"[intraduisible]( par rapport aux buts dominants [indiqués dans la partis sur l'Etat authentique.]); ce fait démontre justement que sont insoutenables, et l'accusation de syncrétisme idéologique, et celle d'accepter les prémisses égalitaires et collectivistes typiques des démocraties socialistes.
Et cependant, il est vraiment nécessaire d'expliquer que prendre des critères communistes dans le domaine des biens matériels ne signifie absolument pas adhérer aux conditions de base du socialisme marxiste !
Les richesses matérielles - toutes les richesses matérielles – doivent être propriété de l'Etat parce qu'elles servent à l'Etat dans son étape organisationnelle; parce que l'Etat devant être délivré de telles préocupations, il est nécessaire - de lui garantir l'espace libéré de ces prévarications que la détention des richesses dans les mains d'un groupe oligarchique du pouvoir économique détermine inévitablement.