Agir : agir pour quelle alterite?

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Agir : agir pour quelle alterite?

Cet article se veut un rapprochement entre deux postulats pour démonter l'un des pièges les plus fins du libéralisme : le détournement du concept d'altérité et son usage hypocrite à des fins d'aliénation. Ces deux postulats sont :

  • que le produit vendu sous le nom d'altérité par le libéralisme n'a quasiment plus aucun rapport avec l'altérité humaine véritable,
  • que l'abolition des différences entre les peuples est un projet politique du monde moderne, et si il n'est seulement "utopique" par certains aspects, par d'autres, il est purement libéral.

 

 

En premier lieu, partons du constat que le monde s'est, de fait, considérablement "réduit" par l'entremise des avancées technologiques. Au jour d'aujourd'hui, se déplacer d'un continent l'autre est pour une certaine partie de la population occidentalisée une habitude ou un devoir de travail ; l'information transite à une vitesse telle qu'une information provenant d'un fait apparu à l'autre bout du monde peut nous être connue une heure au maximum après. Pour certain le village-monde a commencé, en pratique, à se créer à la révolution industrielle et son apogée est imminente. Ainsi, transport et information permettant des échanges plus massifs, l'économisme a pris le relais de la technique et s'est forgé comme le nouveau parangon du libre-échangisme, en y ajoutant l'idéologie : avec la technique, nous restions dans le domaine de la capacité, avec l'économisme, la marchandisation, nous entrons dans le domaine de l'utile économiquement, donc du nécessaire. Main dans la main, du moins l'une subordonnée à l'autre, la technique et l'économisme sont les cautions pragmatiques du libre-échangisme : "nous pouvons le faire, c'est bon pour les affaires, faisons en la norme".

 

Cette norme idéologique est à vrai dire née depuis fort longtemps dans le sillage de la pensée marchand : pour le "doux commerce" aucune frontière ne tient - tous les clients se ressemblent -, ainsi, positivement, il n'y a pas de racisme, car il n'y a pas de différence, mais justement, comme il n'y a pas de différence, la tentation du réductionnisme et de la réification est grande. Si grande qu'elle s'est alliée aux idéologies égalitaristes modernes et à leurs velléités nivellatrices, pour devenir le fondement majeur des politiques actuelles véhiculés par l'Occident : l'ouverture du monde, d'un monde marchand, où l'Homme est réifié en acteur, comme consommateur passif, ou en objet, comme force de travail nomadisée.

 

Pragmatiquement, le point le plus visible de cette "ouverture du monde" est la main-mise globale de la civilisation marchande sur tous les pays du monde : aucun n'échappe au productivisme capitaliste, aucun n'échappe à la sur-consommation. Ainsi il n'y a plus qu'une méta-culture dominante, le modèle marchand occidental, les autres cultures, même celles considérées comme pouvant être un barrage au mode de vie occidental - le monde islamique, la Chine et le modèle confucéen, etc. -, ont été balayées, converties ou se réveillent, incrédules, un "Coca" dans une main et un hamburger dans l'autre. Ne parlons pas de l'anéantissement total des cultures dites primitives, celles ci ont tout perdu, langues, modes de vie, spiritualités... Soyons plus clair, il n'y a plus, ou il n'y aura bientôt plus, réellement et ontologiquement d'Autre. L'altérité est en passe d'être rayée définitivement de la carte.

 

Paradoxalement, elle n'a jamais été aussi portée au pinacle par le libéralisme lui-même - comme le diable singe dieu, le libéralisme subvertie toute notion à son avantage. Ainsi l'Occident, nouvel Babel, est le grand lieu à la fois du métissage pur et simple et à la fois de l'ethnomasochisme face à cet autre que l'on doit devenir. A noter ici que l'ethnomasochisme peut aussi bien se retrouver chez les populations européennes indigènes que chez les populations immigrées que l'on pousse à s'assimiler, donc à se renier. Ainsi en Occident la propagande de masse vend cette idée d'une altérité magnifiée dans des populations immigrées qui servent de nombreux intérêts économico-politiques de l'oligarchie, mais n'ont, comme nous venons de le voir, pour altérité qu'une ténue différence que l'on peut aussi bien retrouver dans le néo-tribalisme et autres "sub-cultures".

 

Développons maintenant en quoi le métissage et l'ethnomasochisme sont des concepts modernes, servant le capitalisme et le libéralisme.

Remarquons que le métissage a évidemment toujours existé et que cette notion peut être floue ethniquement, culturellement, mais surtout biologiquement. Mais depuis le localisme ethnique qui avait lieu jusqu'au Moyen-Âge, bien que les mouvements de populations se soient intensifiés depuis l'avènement du monde moderne, ne serait-ce que dans les pays eux-même, jamais il n'avait été question d'un grand mélange généralisé. Pas que le mélange et le métissage soient fondamentalement une mauvaise chose, mais généralisé, et à grande échelle, ceux-ci détruisent l'altérité et la diversité. Nous pourrions ainsi parler de la terre de l'immigration par excellence, les États-Unis- qui ayant doublé l'immigration par une volonté politique, a quasiment effacé de la carte les natifs amérindiens, nous pourrions aussi parler en terme de complète éradication des populations natives des Caraïbes ou bien encore plus récemment des remplacements de population au Tibet et en terres ouïghours par le colonialisme Han.

L'ethnomasochisme, quant à lui, est le ferment de la perte d'identité - celle qui inscrit la personne dans une communauté, dans un groupe - et de son remplacement par un individualisme atomisant, menant à une capacité accrue de formatage, dans le cas présent celui du type du travailleur/consommateur. Que ce soit un aborigène d'Australie, un amérindien des Andes ou un paysan d'Europe de l'Est, leurs expressions culturelles, qu'elles soient folkloriques ou réellement ancrées dans la vie de tous les jours, sont soit considérées comme des loisirs qui doivent céder leur place à ceux du mass-entertainment mainstream, détruits par le conditionnement du mélange de la télévision et du cinéma, soit critiqués comme d'un autre temps, comme réactionnaires et alors éliminé par l'artillerie lourde de l'éducation à la botte du libéralisme. Une fois le monde des loisirs et le nivellement de l'éducation occidentale ayant fait leurs oeuvres, il y a naissance d'une schizophrénie identitaire, entre celle qui était et celle que l'on impose ou que l'on fantasme. Hormis être donc un dissolvant de l'identité, le libéralisme apporte psychologiquement les troubles d'une haine de soi et d'un dédoublement identitaire arasant les consciences et y laissant le champs-libre à l'activité la plus végétative, la consommation. Encore une fois, ce procédé est généralisé, la culture de masse visuelle américanomorphe de la seconde partie du 20ème siècle, aux standards physiques européens imposés aux peuples du restes du monde, trouve son écho dans le cinéma hollywoodien actuel distillé massivement aux "petits-blancs" du Midwest américain avec des héros et des valeurs devant représenter les valeurs progressistes et métissées de la branche culturelle - libérale de "gauche" - de l'oligarchie américaine : tout le long de son histoire l'industrie du cinéma américaine n'a existé que pour répandre les valeurs du système totalitaire marchand.

 

Plus pragmatiquement, abordons maintenant en quoi l'on peut se faire l'idiot utile du libéralisme en suivant, consciemment ou non, ses recommandations dans des domaines que l'on pense partager avec lui, y trouvant alors une voie à partager, car finalement rapprochant idéologiquement la sienne.

Premièrement, et très simplement, les activistes et officines soutenant l'immigration, qu'elle soit massive ou ponctuelle - pour tel ou tel cas de personnes bien intégrées, donc des exemples d'assimilation et d'acculturation -, sont les chevilles ouvrières de la logique libérale. Dumping social ou "délocalisation à domicile", la main d'oeuvre immigrée - c'est bien de cela qu'il s'agit - est avant toutes choses, justement la chose du patronat. Comment soutenir, si l'on affiche de défendre l'altérité et le bien-être d'autres populations, un déplacement de population, menant à une acculturation certaine, servant le productivisme capitaliste, tout ceci au détriment du développement du pays d'origine de cette population, développement autant économique (fuite des cerveaux, dépendance financière des émigrés), que socio-culturel, l'émigré étant devenu un modèle?

Secondement, au nom d'une paix globale - celle du "doux commerce", de la guerre marchande et capitaliste du tous contre tous? -, l'on peut aussi vouloir abolir les différences, qui seraient responsables, selon la doxa actuelle, des guerres et violences, oublient par là la volonté de puissance, les errements idéologiques, le mal inhérent... Certes, il a toujours fallu que l'Homme trouve un autre contre lequel passer ses instincts belliqueux, un autre racial, culturel ou social. Mais le polemos est l'autre face de l'attractivité sociale de l'Homme. Et même si l'on veut aller contre ce fait, que doit on attendre de l'abolition des différences? Un grand mélange des races, des ethnies, des genres? Rêver de paix pour cauchemarder de la dénaturation complète de l'être humain?

 

 

Nous espérons avoir su mettre à jour la subversion, l'hypocrisie et le cynisme qui sous-tendent la forme d'altérité que prône le libéralisme et ce, pourquoi il le met en avant. Nous espérons aussi pouvoir trouver une voie médiane entre les excès des totalitarismes, un ethnodifférentialisme respectueux d'une réelle altérité, pouvant promouvoir les indépendances rélles des peuples et ethnies, nécessitant des phases d'échanges, de limitations de ceux-ci, et trouvant des alternatives pacifiques au bellicisme pour promouvoir et entretenir les différences.

 

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